Adrien, si vous ne le connaissez pas encore, c’est un ancien étudiant de l’école. Sorti en Juin 2015, il s’est spécialisé en Matchmove…Bon pour moi non plus ça ne veut pas dire grand-chose, mais Adrien va tout nous expliquer. Son parcours est tout simplement hallucinant et je crois qu’Adrien est en bonne voie pour égaler ses maitres
– Adrien, peux-tu en quelques lignes m’expliquer ce qu’est le Matchmoving ? et ce qui t’a amené à choisir cela ?
Le matchmove c’est la passerelle entre la réalité et la 3D. Quand on filme avec une caméra, on filme un monde en trois dimensions et ça devient une image en deux dimensions. Le job du Matchmover est de faire l’opposé, donc à partir d’une image en 2D, nous créons une scène 3D. Cela consiste donc à reproduire en 3D le mouvement de la caméra réelle avec les mêmes informations tels que le modèle de la caméra, la taille du capteur, la distance focale… Nous devons reconstruire en 3D l’environnement que la caméra a enregistré. Si par exemple on filme un décor et que l’on veut y ajouter des objets en 3D, il faudra modéliser les zones sur lesquelles il y aura l’interaction de la CG sur la plate. Bien sûr, il faut que notre environnement 3D ait les mêmes proportions que celui de notre décor réel ainsi que la même perspective…
Le Matchmoving comprend le « Camera Tracking » (ce que j’ai expliqué juste au-dessus) mais aussi le « Object Tracking » c’est la même chose mais on parle d’un objet en mouvement dans un décor comme par exemple une voiture qui roule. Si on souhaite modifier les roues, ou la carrosserie… dans ce cas on parle d’object tracking. Ensuite il y a la rotomation (certain studio appelle cela le Body Track) c’est similaire à l’Object tracking, mais cela s’applique sur des humains, animaux… Dans ce cas-là nous avons un modèle numérique de l’acteur, avec un rig, et le but est de l’animer.
Pour finir on passe au layout. Nous avons notre scène, avec notre environnement en 3D, notre camera tracking + object tracking, rotomation (selon le shot). Prêt à être livré pour les FX, l’animation et le compositing.
Bien que je sois un généraliste 3D avec des connaissances en 2D, j’avais choisi le Matchmove parce qu’à l’origine je voulais être cameraman, et en matchmove il faut avoir des connaissances en ce qui concerne les caméras, les différents types de caméras, savoir lire des informations qui ont été prises sur le set (plateau de tournage). Le VFX étant une passion, je me suis toujours intéressé aux différentes spécialités. Le matchmove est en début de chaîne de production, nous devons livrer notre travail prêt, dans les autres départements comme par exemple en 2D pour les roto/prep qui très souvent utilisent nos caméras et modélisations pour faire des caméras projections et ainsi procéder à leur Clean-up, préparer des scènes 3D pour tous ce qui Look DEV à partir de photos du set, mais aussi en Animation, FX et Compositing. Il est bien de connaître le besoin de chaque département ainsi que leur fonctionnement comme ça tout le monde peut travailler correctement dans de bonnes conditions.
– Je regarde sur ta page linkedin les productions sur lesquelles tu as travaillé, c’est impressionnant ! Comment as-tu fait si rapidement ton trou dans cet univers ? Peux-tu nous décrire ton parcours ?
Dès la sortie de l’école en Juin 2015, je suis rentré chez Movematchers où j’ai eu l’occasion de travailler sur plusieurs pub TV (Renault, McDonald…) mais aussi sur des longs métrages en « outsource » et « insource » pour des films avec un studio Canadien. (Warrior’s Gate, League of Gods…)
Par la suite Trixter m’a demandé si j’étais intéressé de rejoindre leur équipe, et c’est à ce moment-là que j’ai découvert l’univers Marvel (Spiderman Homecoming, Black Panther). C’était seulement un contrat de deux mois, mais dès la sortie de Trixter, One Of Us (Londres) me proposait un boulot ! One Of Us c’est Jurassic world Fallen Kingdom, The Crown Saison 2, The Alienist….On parlait souvent de Londres à l’école pour faire du VFX, c’était une super opportunité, j’y suis resté un an.
Aujourd’hui je suis à nouveau chezTrixter mais cette fois au bureau de Berlin.
– Sur quelle production as-tu préféré travailler et pourquoi ?
« Spiderman Homecoming » c’était vraiment cool ! Beaucoup de shots, mais aussi beaucoup d’informations pour pouvoir travailler proprement. Quand je dis beaucoup d’informations c’est parce que l’on avait accès aux informations cameras avec lesquelles les plates ont été prises. Nous avions également les grilles de distorsions pour avoir une distorsion qui se rapproche plus de la réalité, Lidar Scan…
Pour ne pas mentir j’ai eu beaucoup de chance avec cette production ! J’avais réellement accès à tout alors que pour d’autres je n’avais que la séquence d’image et rien d’autre.
Je dois dire aussi que « Spiderman Homecoming » a été mon premier projet Marvel, et la première fois reste toujours inoubliable non ? 😉
– Ton travail sur une publicité Mc Do ou Renault est différent que celui sur Un Marvel ?
Je trouve qu’il n’y a pas tant de différences que cela, la spécialité reste la même. Sur un projet Marvel il y aura souvent des informations très importantes comme par exemple des lidar scan du set,des Models numériques de l’acteur… pour les publicités il y a souvent des informations comme la focal length du shot, des photos du set, un model 3D de la voiture par exemple…
PS : Les lidar scan nous permettent de commencer un layout du shot très rapidement. Toutes les caméras seront basées par rapport à ce lidar et donc accélèrent le processus. Sans lidar scan il faut créer son orientation et sa position camera soit même et enchaîner sur son layout.
– Est- ce que tu te souviens d’un conseil en particulier que l’on t’ait donné et qui t’a permis d’en arriver sur une production comme « Black Panthers » qui explose au box-office et que tu peux dévoiler à tous ceux qui suivent ton chemin aujourd’hui.
Oui, Etre passionné ! Pour moi le VFX est une passion avant tout. Quand je suis au bureau je n’ai pas l’impression de travailler, je ne regarde pas souvent l’heure, puis au bout d’un moment « ah ben c’est 21h, je vais peut-être rentrer me faire à manger… » Puis, te lever le matin en sachant qu’un nouveau challenge t’attend, c’est quand même excitant ! Bien sûr il y’a des coups de pression parce que le client veut voir comment le projet avance, ou quand tu as une task à faire et que tu penses qu’en une heure c’est fait alors qu’en fait tu découvres que c’est le « merdier », mais il faut savoir gérer, prendre du recul, ne pas tomber dans l’excès et de temps en temps faire autre chose pour s’aérer l’esprit.
Un deuxième conseil serait de bien travailler en équipe ! Bonne communication, ne pas hésiter à discuter ensemble pour résoudre un problème, s’entraider. On apprend toujours des uns et des autres !
Un dernier petit conseil, s’intéresser à tout ! Regarder comme ça fonctionne dans les autres départements, ne pas hésiter à poser des questions sur le fonctionnement, les soft utilisés, les workflows…
– Tu es souvent demandé à l’étranger il me semble, l’Angleterre, l’Allemagne…Comment se passent tes contrats là-bas, comparés à la France. Tu recommandes ces expériences ?
Je ne suis pas expert, mais pour ma part ça se passe plutôt bien, selon les pays il y a quelques différences mais en général les studios nous aident pas mal à nous intégrer et prennent le temps de nous expliquer le fonctionnement. Après ça dépend du temps passé dans la boite, si c’est pour une courte période, tu auras sûrement un contrat freelance avec ta facturation à la journée par exemple, si c’est plus longue durée ce sera plus un contrat permanent où on se met d’accord sur un salaire annuel.
Lorsque j’ai commencé à travailler, donc en France, c’était en Freelance, je n’ai jamais eu de contrat permanent, donc je ne peux pas comparer ce point-là, cependant je pense qu’il doit y avoir des similarités.
Oui je recommande fortement ces expériences ! (Que ce soit au niveau travail, comme au niveau mode de vie !) Je ne vais pas mentir, c’est sûr ça peut faire peur de partir à l’étranger, on ne sait pas trop à quoi s’attendre, la langue est différente… Mais il ne faut pas s’inquiéter, en général comme je l’ai stipulé au-dessus, les studios nous aident à notre intégration au niveau paperasse. Pour ce qui est travail, selon la boite dans laquelle tu es, tu découvres un nouveau pipeline de production, tu bosses dans une grosse équipe, Il y’a de très gros projets, donc oui c’est quelque chose à découvrir !
De plus tu rencontres beaucoup de personnes qui viennent des quatre coins du monde avec lesquels tu deviens amis et certaines avec lesquelles tu crées des liens très fort, ils deviennent ta deuxième famille.
– Quels sont tes futurs projets ? C’est compliqué d’enchainer les productions, les contrats ou tu es plutôt serein ?
Si tu fais attention aux priorités et que tu es dans les temps, switcher d’une prod à une autre n’est pas si difficile. Quand j’étais à Londres j’ai bossé toute l’année sur trois productions à la fois, et tout s’est très bien déroulé. Il faut penser à beaucoup de chose en même temps mais c’est juste une question d’organisation. Pour les contrats, je ne dirai pas serein, je fais au fur et à mesure, maintenant je suis à Trixter Berlin, après on verra…
– Un souvenir particulier à Objectif 3D ?
Oui, dans ma promo, les cours de dessins avec notre professeur était vraiment sympa et pas ennuyants du tout, surtout quand on apprenait à dessiner le nu masculin et que notre modèle faisait des poses… enfin je passe les détails. 🙂
– Enfin, le dernier film qui t’as laissé sans voix ? et le dernier navet ? »
« Pacific Rim » : des robots, un peu de musique électro et des bruits mécaniques, ça me donne des frissons !
Dernier navet, « Date Movie » c’était pas ma faute, on m’a forcé !
Merci Beaucoup Adrien, à très bientôt !