Rencontre avec Samuel Guiraudou
Bonjour Samuel ! Pourrais-tu te présenter en quelques phrases ?
Je m’appelle Samuel Guiraudou j’ai 30 ans je suis infographiste 3D depuis deux ans et demi. J’adore le cinéma, les effets spéciaux, l’animation et de nombreuses autres formes d’art. J’ai travaillé sur de la série animée, dans la pub ou encore dans le cinéma d’animation.
Comment es-tu arrivé dans ce domaine de la 3D ?
J’ai toujours voulu travailler dans la 3D, c’est un domaine qui m’a toujours fasciné et qui continue de me passionner encore aujourd’hui. J’avais 9 ans quand « Jurassic Park » est sorti et je crois pouvoir dire sans trop exagérer que ça a changé ma vie. Lorsque j’étais gamin je passais beaucoup de temps à dessiner, à peindre ou à bricoler des maquettes. Avec les effets spéciaux numériques, tout devenait possible, mon imagination n’aurait plus de limite. Ce n’est que des années plus tard que j’ai pu réaliser ce rêve d’enfant.
Après le Bac je me suis égaré dans mon orientation. J’ai fait différents boulots, suivi un cursus universitaire sans réels débouchés et je suis devenu, à 23 ans, professeur d’arts plastiques en collège. L’envie de faire de la 3D était toujours présente et n’étant pas heureux avec cette vie, après 2 ans dans l’enseignement j’ai décidé de changer de voie.
J’ai commencé à me former, seul, chez moi. Après plusieurs mois j’ai décidé de rassembler mes travaux et de me lancer à la recherche d’un emploi. Mais les débuts étaient très difficiles, pas de réponses, aucun contact, pas d’idée précise de la valeur de mon travail, j’étais au point mort.
C’est dans cette situation que je suis arrivé à l’école Objectif 3D. J’y ai appris de nombreuses choses, notamment sur le métier et tout est allé plus vite ensuite.
Quelles ont été les différentes étapes qui t’ont amené là où tu en es aujourd’hui ? qui t’ont amené à te spécialiser ?
Pendant le projet de l’école j’avais la casquette de directeur artistique. Ce rôle m’a permis d’être vraiment proche de tout le monde dans la classe et de m’intéresser à chacune des étapes de la production. j’ai vraiment adoré faire ça, je n’oublierai jamais ce moment de ma vie. J’ai appris à avoir une vision d’ensemble du projet, quelques fois à diriger un groupe de personnes et à mesurer les contraintes dans la fabrication d’un film d’animation.
Après l’école j’ai fait un stage et une prod pour le Studio O+ en tant que généraliste. J’y ai expérimenté la nécessité de travailler vite et d’être efficace.
Mon job le plus déterminant fut celui de lead lighting à Ellipsanime. Ce n’était pas évident tous les jours mais j’ai beaucoup appris. Ce sont toujours les expériences les plus difficiles qui vous font progresser. J’y ai acquis de bon réflexes, beaucoup de confiance et une forme de combativité. Depuis, je suis beaucoup plus serein avant d’aborder un nouveau travail. Par la suite j’ai travaillé dans la pub où l’on doit être rapide et multitâche et plus récemment dans le cinéma où, à l’inverse, on trouve une forme de confort et où l’on peut prendre un peu plus de temps pour faire de belles images.
Tu as travaillé en lighting? En quoi cela consiste-t-il? »
C’est vrai que c’est en lighting qu’on m’a le plus fait confiance, néanmoins je me considère vraiment comme un généraliste. J’aime vraiment tous les métiers de la 3D.
Je pense que c’est mon sens artistique qui a plu aux personnes qui m’ont donné ma chance. Le lighting est le début de la finalisation visuelle d’un film. A la manière de techniciens sur un plateau de tournage le lighter vient positionner ses lights de manière à éclairer les personnages et le décors.
Cette étape de la production prend une dimension magique pour moi car elle vient sublimer le travail accompli en amont par les différents départements. Avec le lighting la dimension émotionelle et artistique que l’on donne à l’image est fondamentale.
C’est une étape cruciale qui doit sceller l’identité visuelle du film.
Mais c’est également un métier très technique où de nombreux paramètres doivent être pris en compte.
Cet automne 2014, tu es intervenu en tant que professeur à Objectif 3D. Quel a été ton rôle ? tes missions ? Comment as-tu vécu cette nouvelle aventure ?
Je suis intervenu en 4ème année de cinéma pour dispenser des cours de matte painting. Mon rôle a été de montrer aux étudiants une approche de cette spécialité en production.
Etant dessinateur avant d’être infographiste j’ai souvent eu l’opportunité de faire du design, de la recherche graphique et même de la peinture. Le matte painting est l’art de l’arrière plan au cinéma. Souvent utilisé pour remplacer un décors trop coûteux à réaliser en vrai ou même en maquette, le matte est censé donner l’illusion que le décors se prolonge et parfois laisse place à de véritables chefs d’oeuvre.
Avec les nouvelles technologies et la 3D actuelle cette technique, autrefois traitée en peinture traditionnelle, prend aujourd’hui une nouvelle dimension. C’est donc un aperçu de ces méthodes que j’ai tenté d’enseigner aux étudiants d’Objectif.
Quel est le dernier film/film d’animation que tu as vu et que tu recommanderais ?
« Astérix » est sans nul doute le film d’animation du moment et c’est également une des grandes réussites de ces dernières années. De nombreux anciens d’Objectif ont travaillé dessus ( Cloth et FX ).
Le film est très fidèle à la BD, tant dans l’esprit que dans sa dimension visuelle. L’animation, qui a été dirigée par d’anciens « frenchies » de Pixar est sans conteste le grand point fort de cette adaptation du » Domaine des Dieux » mais les autres spécialités ne sont pas en reste. De manière plus générale le film est drôle et très rythmé, on y retrouve les ingrédients qui ont fait le succès des albums.
Ayant travaillé dessus en rendu et en compositing j’ai pu partagé le quotidien des artistes qui ont porté ce projet avec enthousiasme et détermination c’est donc avec le même enthousiasme que j’encourage tout le monde à aller le voir.
Quels conseils donnerais-tu aux jeunes qui réfléchissent à travailler dans la 3D, dans le cinéma d’animation?
Ce métier est avant tout fait pour les passionnés. J’ai fait pas mal de boulots avant de me lancer dans cette aventure et c’est ce que j’aime le plus faire aujourd’hui. Ce métier donne la chance aux personnes qui ont un talent de ne pas tenir compte d’un niveau d’étude où d’une orientation rigide. En revanche il faut travailler dur et parfois sacrifier une partie de ses loisirs et de sa vie privée. Ça peut paraître fou pour certains mais je n’ai même pas l’impression de bosser quand je fais de la 3D, c’est le truc le plus cool au monde pour moi.
Les conseils que je donnerais aux jeunes qui sont sûrs de vouloir travailler dans ce secteur sont les suivants:
– Foncez! Les premières années sont les plus importantes. Donnez vous entre trois et cinq ans pour travailler dur et vous consacrer à 100% à ce métier.
-Vous êtes des artistes. Ne laissez pas de cotés les autres médiums, dessin, peinture, sculpture, photo, vidéo, écriture, tout est bon à prendre.
– Plus important encore, l’école est l’occasion de construire ce que j’appelle sa « famille de la 3D ». Lorsqu’on bosse dur à l’école et qu’on est soudé les uns avec les autres on apprend à compter sur d’autres personnes que soi et réciproquement. Cette relation est importante car elle se poursuivra ensuite dans le monde professionnel et elle formera le réseau le plus solide pour enchaîner les premiers contrats. L’idée c’est de recommander les personnes que vous estimez à la hauteur et aux autres d’en faire de même pour vous. Voilà pourquoi il est primordial de faire ses preuves le plus tôt possible.
-Soyez pros. Le problème des jeunes avec une faible expérience du monde de l’entreprise c’est une mauvaise évaluation de leur propre posture une fois en prod. Un studio est une entreprise comme les autres on attendra les même professionnalisme d’un artiste 3D que d’un magasinier ou d’un ouvrier du bâtiment.
-Soyez curieux et continuez d’apprendre. Le milieu de la 3D est en perpétuelle évolution, l’avenir offre toujours plus de possibilités.
Un grand merci Samuel Guiraudou !